The Lecturer, the Text, and the Fictional Narrator

< Programme < SÉANCE NO 7: In the Theatre

Le conférencier, le texte et le narrateur fictif

Dans leurs propos sur la narration dans les premiers temps du cinéma, Gunning (1991) et Gaudreault (2009) ont soutenu l’existence de narrateurs fictifs. En soutenant cela, ils ont écarté la possibilité que les conférenciers remplissent leur rôle en prétendant qu’ils sont extérieurs au texte filmique. Dans cette présentation, je m’intéresse au célèbre conférencier de film de voyage du tournant du siècle, E. Burton Holmes, pour établir trois points. Premièrement, en me basant sur les témoignages contemporains de conférences, je soutiens qu’au début du cinéma, ce n’était pas nécessairement le contenu enregistré qui constituait le texte, comme c’est le cas aujourd’hui. Souvent, la projection était plutôt un texte hybride, composé à la fois de la conférence et des images. Deuxièmement, en m’appuyant sur la théorie de la fiction de Walton (1990), je propose que les conférenciers aient eu le pouvoir de transformer les films de voyage en illusions par une simple tournure de phrase. Au cours du déroulement de la conférence, en utilisant le présent narratif, Holmes invitait le public à faire semblant de participer au voyage. En d’autres termes, ce que nous considérons comme des films documentaires de voyages à l’étranger ont souvent été présentés comme des fictions au public contemporain. En me basant sur l’analyse d’Altman (2004) et sur les conférences écrites de Holmes (1901), je démontre enfin que les performances de Holmes constituent l’un des premiers exemples de narration fictionnelle au cinéma. Il y parvient notamment en combinant le présent narratif, en employant le « nous » et par l’utilisation d’images et de films. En d’autres termes, la « piste verbale » de Holmes assure la continuité et le chevauchement spatial des éléments de la « piste image », faisant apparaître cette dernière comme la représentation visuelle du point de vue des observateurs. Dans le texte hybride qu’est la conférence de Holmes, celui-ci est le narrateur fictif responsable de toutes les images que nous voyons et de tous les sons que nous entendons.

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Mario Slugan (Queen Mary University of London)

Mario Slugan est maître de conférences en Études cinématographiques à l’Université Queen Mary de Londres. Il est l’auteur de trois monographies – Montage as Perceptual Experience: Berlin Alexanderplatz de Döblin à Fassbinder (Camden House, 2017), Noël Carroll on Film: A Philosophy of Art and Popular Culture (Bloomsbury, 2019) et Fiction and Imagination in Early Cinema: A Philosophical Approach to Film History (Bloomsbury, 2020, à paraître) – et il a coorganisé le projet « Rethinking the Attractions-Narrative Dialectics: New Approaches to Early Cinema » (Université de Gand, 2018) qui doit mener à la publication d’à un volume coédité intitulé New Early Cinema History: Concepts, Methods, Applications.