Hysterical Neurologists, Clownist Convalescents, and Early Cinema’s Visual Cure

< Programme < SÉANCE NO 8: Performers and Performance

Les neurologues hystériques, les convalescents clownesques et la cure visuelle du cinéma des premiers temps

Contrairement au cinéma, la photographie était un outil crucial que les neurologues du XIXe siècle utilisaient pour rechercher, classer et exposer les symptômes insolites de l’hystérie clinique. Jean-Martin Charcot a notoirement plâtré les murs de l’hôpital de la Salpêtrière avec des clichés de ses vedettes hystériques – Augustine, Blanche, Geneviève – dans des poses saisissantes (telles que des crises d’épilepsie ou des contorsions « clownesques ») qui illustraient encore davantage sa typologie systématique de la trajectoire somatique de l’hystérie. Peu après la mort de Charcot en 1893, deux choses se sont produites : premièrement, plusieurs de ses théories ont été sommairement discréditées par la psychanalyse, qui mit plutôt l’accent sur la « guérison par la parole », plutôt que sur les poses saisissantes provoquées par l’hypnose et les crises d’épilepsie ; deuxièmement, le cinéma a explosé en tant que divertissement de masse, convertissant du même coup les angoisses modernes en images animées, plutôt qu’en symptômes cliniques pathologiques. En d’autres termes, le cinéma des débuts offrait un « remède visuel » à l’hystérie pandémique.

Dans cette veine, de nombreux historiens du cinéma ont exploré la résonance de l’hystérie et de la neurasthénie pour analyser l’esthétique viscérale du cinéma des premiers temps et de la culture de masse (Gordon, Kirby, Bean, Williams). D’autres chercheurs ont souligné la valeur de l’utilisation des premiers films comme outil de recherche dans les explorations scientifiques de l’anatomie humaine et du monde invisible (Gaycken, Curtis, Cartwright, Aubert). En effet, les cliniciens de l’hystérie ont utilisé le cinéma comme un instrument de recherche, voire comme une forme de spectacle médical (par exemple, Arthur Van Gehuchten, Camillo Negro, Albert Londe). Mais les images en mouvement n’ont jamais été aussi bien cernées que la photographie dans ces domaines.

Dans ma communication, je vais rechercher ce qui reste des premières archives de films médicaux sur l’hystérie, tout en réouvrant les débats féministes sur la politique du geste hystérique comme moyen de protestation sociale. Les symptômes de l’hystérie, selon moi, ont été intégrés dans les techniques populaires de représentation d’images en mouvement, mais ils ont largement déstabilisé les commerçants et les cliniciens professionnels du secteur médical. Pourquoi alors les images en mouvement (contrairement à la photographie) ont-elles été ignorées par la recherche médicale sur l’hystérie ? Pendant ce temps, l’imagerie hystérique a explosé dans la culture populaire du divertissement comme remède visuel à la névrose épidémique.


Maggie Hennefeld (University of Minnesota)

Maggie Hennefeld est professeure agrégée d’Études culturelles et de littérature comparée, et titulaire de la bourse présidentielle McKnight à l’Université du Minnesota, Twin Cities. Elle est l’auteur du livre primé Specters of Slapstick and Silent Film Comediennes (Columbia UP, 2018), coéditrice de la revue Cultural Critique et coéditrice de deux volumes : Unwatchable (Rutgers UP, 2019) et Abjection Incorporated : Mediating the Politics of Pleasure and Violence (Duke UP, 2020). Elle est actuellement co-commissaire d’un coffret DVD/Blu-ray sur « Cinema’s First Nasty Women » et écrit une deuxième monographie sur l’histoire des femmes qui seraient mortes d’avoir ri trop fort.