< Programme > SÉANCE NO 2: The Professionalization of Filmmaking
Le travail de terrain comme travail cinématographique: professionnalisme, exploration et cinéma
Cet article examine comment le professionnalisme et le travail scientifique associés à l’exploration géographique ont été imaginés à travers le dispositif cinématographique. Comment le cinéma a-t-il contribué à professionnaliser l’anthropologie, la géographie et la topographie dans le premier quart du XXe siècle? Comment a-t-il justifié les visées impérialistes de ces disciplines tout en mettant de l’avant une vision du cinématographe comme machine permettant de connaître le monde? La riche culture visuelle de l’exploration dans la culture populaire –de l’obsession de Méliès pour le sujet jusqu’aux actualités et documentaires représentant des géographes et des géomètres-topographes – sera d’abord analysée. Quelles contre-histoires du rôle du cinéma dans la professionnalisation de l’exploration pouvons-nous déduire d’après ces représentations? Nous nous tournerons ensuite vers des sites alternatifs de diffusion du cinéma, comme l’Explorers Club of New York, où les trucs du métier du film d’expédition pouvaient être modélisés, disséqués ou simplement appréciés lors de conférences et de projections hebdomadaires réservées aux hommes. Ces événements informels constituent une sorte de laboratoire permettant d’examiner la place du cinéma dans de multiples champs d’exploration, les échanges suivant les parfois suggestives conférences illustrées ne manquant pas, selon un membre, d’ajouter « de l’intérêt et de la couleur » aux débats. Contrairement aux rencontres avec les peuples autochtones lors des expéditions, le Club offrait un espace où personne n’était considéré comme un étranger. La salle de conférence et la fameuse « longue table », où l’on faisait circuler des photographies et où l’on recrutait des hommes pour participer à des expéditions, ont ainsi permis de forger une culture de coopération et d’expérimentation centrée sur la production d’images d’expédition. Penser le travail cinématographique du point de vue de l’exploration nous aide par conséquent à mieux comprendre les rapports du cinéma avec d’autres professions qui, à leur manière, ont permis de perfectionner la façon dont le cinéma pouvait être utilisé comme outil scientifique, géographique et ethnographique. Les explorateurs étaient des professionnels d’un autre genre; des travailleurs forcés de développer leur métier par un processus d’essais et erreurs, d’apprendre sur le tas et de sans cesse adapter leurs outils à des conditions climatiques difficiles. Ils n’en restent pas moins profondément impliqués dans la professionnalisation de la contribution du cinéma aux arts et aux sciences de l’exploration.
Alison Griffiths (Baruch College, City University of New York)
Alison Griffiths est professeure distinguée d’Études cinématographiques et médiatiques au Baruch College, à la City University of New York et au CUNY Graduate Center. Elle est l’auteure de l’ouvrage maintes fois primé Wondrous Difference: Cinema, Anthropology, and Turn-of-the-Century Visual Culture(Columbia, 2002), anisi que de Shivers Down Your Spine: Cinema, Museums, and the Immersive View (Columbia, 2008) et Carceral Fantasies: Cinema and Prison in Early Twentieth-Century America (Columbia, 2016). Soutenue par une bourse Guggenheim (2018) et une subvention de l’ACLS, son prochain livre, Nomadic Cinema: A Cultural History of the Expedition Film, paraîtra sous peu aux presses de l’Université Columbia.