< Programme < SÉANCE NO 6: Studio Labor and Organization
L’atelier de coloriage des films est le service qui compte le plus d’effectifs au sein de la société Pathé Frères dans les années 1906 à 1914 jusqu’à l’arrêt de ses activités autour de 1929. Sa démarche est unique dans l’industrie cinématographique. Inspirée des méthodes industrielles américaines, elle s’appuie sur un outillage moderne et implique la collaboration directe entre les ouvrières et leur employeur. Mais que sait-on de cette main d’œuvre féminine que l’on recrute pour sa dextérité et son habileté pour le travail de découpage des pochoirs et de coloriage ? Peut-on dresser un portrait social, un profil-type de de ces femmes ? Comment réagissent-elles et s’adaptent-elles aux méthodes de productions nouvelles alliant mécanisation et persistance d’une forme artisanale de réalisation de certaines de ces tâches ? Comment est traitée par l’équipe dirigeante, des administrateurs aux contremaîtresses, la question de la formation de ces ouvrières ?
A travers l’analyse et le recoupement d’archives de la Fondation Jérôme Seydoux- Pathé : photographies, livres de comptes, comptes-rendus d’assemblée générale, livres d’ingénieurs, annonces publicitaires, règlements de l’usine, on dressera un état des lieux de leurs conditions de travail, notamment par l’examen méthodique et précis du livre de sorties de l’usine de Joinville de 1929 qui est le seul document qui permet, d’abord d’identifier les noms et prénoms des ouvrières de l’atelier de coloris de Joinville créé en 1922, et de connaître les raisons pour lesquelles elles quittent l’usine ou sont licenciées. Cette source, qui constitue le point de départ de la recherche, devra être croisée avec les archives numérisées des recensements de population de 1911, 1921 et 1926, à commencer par ceux de de la Ville de Vincennes où l’atelier de coloris a été d’abord implanté, puis avec les extraits de naissance et les registres de mariage à travers la France. Ces documents d’archives permettront de retracer l’évolution du métier de coloriste et de livrer quelques éléments de leur condition sociale : lieu de vie, de naissance, origine sociale des parents, métier du mari et la situation familiale. Il s’agira donc de procéder par allers et retours entre les éléments d’archive pour esquisser des parcours individuels et dégager des constantes ou au contraire rendre compte de la diversité des situations sociales de ces ouvrières coloristes au début du XXème siècle.
Cécile De Coninck (Institut universitaire de technologie de Lille A)
Cécile De Coninck est doctorante en cinéma et professeur en communication à l’IUT A de l’Université de Lille. Sa thèse, sous la direction d’Edouard Arnoldy, porte sur les liens entre cinéma et anthropologie notamment dans les écrits de Balàzs, d’Eisenstein, d’Epstein et d’Edgar Morin pour situer la position théorique de l’œuvre du cinéaste-ethnologue belge Luc De Heusch dans les années 60. Elle examine le concept de film-document et les rapports entre poésie et document en explorant les fonds d’archives films et non-films légués par Luc De Heusch à l’Université Libre de Bruxelles et à la Cinémathèque Royale de Belgique.
Au cours de son Master Cinéma, Documents et Archives à l’Université de Lille, elle a été initiée aux enjeux de la restauration des films des premiers temps grâce au partenariat de l’Université avec la Cinémathèque Royale de Belgique. Elle a mené un travail de comparaison documenté, à partir des archives du scénario du film, des différentes restaurations du chef d’œuvre d’Alfred Machin, Maudite soit la guerre de 1914 dans lequel sont utilisées les techniques du teintage, du virage et du pochoir peint à la main et par la machine Pathécolor. C’est donc dans la continuité de cette recherche que s’inscrit la proposition de cette communication à l’association Domitor sur la condition des ouvrières coloristes de Joinvillle.